Sport après l’accouchement ; danger !
Une grossesse et un accouchement, ça vous ramasse une silhouette. Je sais de quoi je parle, ceci m’est arrivé deux fois plutôt qu’une. Or, la tendance actuelle est à qui retrouvera sa taille préconception le plus rapidement possible. Si vous voulez mon avis, ne soyez pas si pressée. Soyez indulgente envers votre corps qui vient de subir d’énormes épreuves et qui continu de vivre beaucoup de chamboulements.
Le désir des femmes de se remettre en forme après un accouchement est tout à louable. Le sport vous permettra de retrouver de l’énergie, d’améliorer votre humeur et de vous sentir mieux dans votre corps et votre tête. Par contre, le choix de l’activité physique pratiquée n’est pas anodin. Il peut entraîner de fâcheuses conséquences pour les femmes non averties.
Pour la commodité (on enfile ses souliers, on met bébé dans la poussette et, hop ! c’est parti) ou parce qu’elles s’y adonnaient avant la grossesse, plusieurs femmes se mettent à la course à pieds. Ou alors, toujours par facilité d’accès et parce qu’elles souhaitent retrouver un ventre plat et ferme, elles entreprennent les fameux redressements assis. Ou encore parce qu’il est plus motivant de pratiquer un sport en groupe, elles s’inscrivent à des classes d’aérobie, de yoga ou de pilates. Et, il faut se le dire, c’est très « in » les cours de cardio-zumba-bambin-aqua-yoga-bébé-poussette-machin.
Mais où est le danger de se remettre en forme ? Aucun, si l’activité physique est entreprise graduellement et que l’on s’est d’abord assuré que notre corps à les prérequis nécessaires. Mais quels sont donc ces prérequis ? Il est primordial de s’assurer de la bonne forme physique des muscles stabilisateurs du bassin et du dos. D’un point de vue physiothérapeutique, la bonne forme physique d’un muscle se traduit par six qualités: une bonne force, une bonne endurance, un bon tonus, une bonne coordination, une bonne capacité de détente (repos) et une bonne souplesse.
Le « core » (appelé l’unité interne en français) représente les muscles responsables de la bonne stabilisation du bassin et du dos. Il comprend quatre principaux groupes musculaires: le diaphragme (muscle de la respiration), le transverse de l’abdomen (muscle abdominal profond), les multifides (petits muscles dans le dos qui maintiennent les vertèbres entre elles) et les muscles du plancher pelvien aussi appelé périnée (muscles à la base du bassin sur lesquels repose une foule de responsabilités dont il sera question un peu plus loin).
Il se trouve justement que la grossesse et l’accouchement affectent ces quatre groupes musculaires. Il est très facile de voir comment l’accouchement peut endommager les muscles du plancher pelvien. Imaginez, la tête du bébé, d’une circonférence moyenne de 34 centimètres, doit passer par un orifice qui habituellement ne fait que deux doigts de large et de haut ! Tout un étirement acrobatique (associé malheureusement à des déchirures et blessures musculaires chez plusieurs). Mais les dommages peuvent souvent débuter plus tôt. En effet, la grossesse en elle-même ajoute une charge incroyable sur ces muscles. C’est qu’il est costaud, le bébé ! Et tout ce liquide amniotique ! Et le placenta ! Et que dire de l’utérus qui prend une expansion démesuré pour finir par peser environ 1 kilogramme. Bien lourd à porter sur son dos, d’autant plus qu’il baigne littéralement dans une soupe d’hormones (majoritairement la relaxine) favorisant son élasticité et son assouplissement. Il en résultera souvent une perte de force, d’endurance et de tonus. Maintenant, qu’arrive-t-il aux abdominaux ? Assez évident aussi, n'est-ce pas ? Le ventre prend énormément d’expansion, les abdominaux n’auront donc pas d’autre choix que d’accommoder en s’étirant. Mais après, une fois la grossesse terminée, tout comme le périnée, ils ne reprendront pas spontanément le tonus, la force et l’endurance d’origine. Passons aux prochains groupes musculaires, les multifides (rappel: petits muscles dans le dos qui maintiennent les vertèbres entre elles). En quoi sont-ils affectés par la grossesse ? Eh bien, l’abdomen prend un volume considérable durant ce périple. Pour éviter que ce poids ne nous amène à piquer du nez, le corps n’a d’autre choix que de contrebalancer par la contraction de muscles dans le dos afin de nous maintenir globalement droite (ou plutôt très cambrée dans la région lombaire…). Ces muscles sont surexploités et finissent tendus, raccourcis et fatigués. Et qu’en est-il du diaphragme, que subit-il durant la grossesse ? Moins évident à première vue, il n’en est pas moins mal mené. Presque toutes les femmes enceintes vous le diront, elles manquent de souffle ! Pourquoi ? Bébé prend énormément de place et repousse le muscle du diaphragme vers le haut. Il est beaucoup plus difficile de prendre de grandes inspirations car cela implique une descente du diaphragme dans l’abdomen, ce qu’il ne peut malheureusement pas faire puisque bébé est là ! Parce qu’il est maintenu plusieurs mois en position haute sans possibilité de descendre bien bas dans l’abdomen, il perd de sa souplesse et de sa force (il ne s’entraîne plus dans tout son mouvement normal). Alors voilà donc pourquoi les femmes ayant donné naissance sont aussi instables… d’un point de vue physique, bien sûr !
Reprenons ces quatre groupes musculaires de la stabilité dans un autre concept ; celui de l’enceinte abdominale. Pour faciliter les choses, voyons l’abdomen comme une « canne de conserve ». Les parois de la « canne de conserve » sont représentées par le ventre, les flans et le dos. En muscles, voyons les parois comme les transverses de l’abdomen à l’avant et sur les côtés et les multifides à l’arrière. Le dessus de la « canne de conserve » est représenté par le diaphragme. Le fond, ce sont les muscles du périnée. Si nous souhaitons que la « canne de conserve » remplisse sa fonction de contenir une grande quantité de liquide, chaque paroi doit être forte afin d’accepter sa part de pression. L’abdomen de la femme fonctionne de la même façon ; la pression contenue dans l’abdomen doit pouvoir être supportée par les quatre groupes musculaires. Qu’arriverait-il si le fond de la « canne de conserve » était en carton plutôt qu’en métal ? Il ne serait pas surprenant de voir son contenu se rependre au sol lorsqu’on tentera de la soulever. Et chez la femme ?
Après cette analogie avec la « canne de conserve », quel est le rôle le plus évident du plancher pelvien ? Évidemment, de maintenir en place les organes pelviens tels la vessie, l’utérus, le rectum et les intestins. Sans une bonne forme physique des muscles du plancher pelvien, la femme est à risque des descentes d’organes si la pression dans l’abdomen devient trop forte pour le périnée. Mais le plancher pelvien a aussi les rôles de maintenir la continence (éviter les fuites urinaires et fécales) et de participer de façon appréciable dans la perception du plaisir lors des relations sexuelles. Beaucoup de responsabilités pour une si petite partie de notre anatomie !
Revenons à nos sports du début, soit la course à pieds, les redressements assis, les cours d’aérobie, de yoga et de pilates. Qu’ont-ils en commun ? Ils ont tous le potentiel d’augmenter la pression dans l’enceinte abdominale. L’impact répété au sol de la course propulse les organes vers le bas sur le périnée. Idem avec les sauts que l’on retrouve dans les cours d’aérobie. Les redressements assis provoquent une augmentation de la pression abdominale en direction du plancher pelvien. De contractions trop intenses des abdominaux en pilates, si mal exécutées, auront le même effet. Pour ce qui est du yoga, certaines postures recourbées induiront cette augmentation de pression abdominale. Les muscles du plancher pelvien s’affaibliront donc davantage.
Quelles autres conséquences peuvent survenir d’un « core » faible ? On peut lui attribuer des lombalgies (douleurs au bas du dos, souvent catalogués en lombago ou entorse lombaire ou encore hernie discale), sciatalgie (douleurs dans le trajet du fameux nerf sciatique), douleurs à la symphyse pubienne, douleurs aux articulations sacro-iliaques, douleurs aux hanches, diastase des grands droits (séparation des abdominaux superficiels), hernies ombilicale et inguinale, etc.
Les entraîneurs réguliers en gymnase, classe d’aérobie, yoga, pilates et autres ne sont malheureusement généralement pas au courant des précautions particulières qu’il faut appliquer avec la clientèle féminine en période post-partum. Non pas par mauvaise volonté, mais plutôt par ignorance de ce phénomène, le risque de subir les conséquences nommées ci-haut d’un « core » faible est bel et bien réel si l’on ne restaure pas d’abord la fonction des muscles stabilisateurs.
Cela veut-il dire que la femme ayant accouché ne peut pratiquer un des sports mentionnés ci-haut ? Du tout ! Il requière seulement un entraînement préalable des muscles de l’unité interne. Choisissez avec soin la personne qui vous guidera dans votre remise en forme. Un entraîneur qui propose des cours spécialement pour les femmes en période post-partum est un atout majeur. Bien entendu, une évaluation en rééducation périnéale et pelvienne est fortement suggérée car elle vous permettra d’avoir l’heure juste sur l’état de votre unité interne et de savoir quand les choses seront revenues à la normale.
Le tout, vous l’aurez compris, ce fait beaucoup plus facilement et efficacement avec l’aide et le support d’une physiothérapeute en rééducation périnéale et pelvienne. Restez à l’affût, une « carrosserie » des plus stables et solides bientôt disponible chez une physiothérapeute près de chez vous !