Choisir chaussure à son pied ; beaucoup plus qu’une question de look.
J’ai le goût depuis déjà un an de vous parler de souliers. En fait, j’ai surtout le goût de vous parler de pieds, mais dans la société où l’on vit, ils sont pas mal indissociables. Mais comme plein d’autres sujets captaient aussi mon intérêt, ben voilà , un an c’est écoulé. Wow.
Pourquoi j’ai envie de vous parler de pieds ? Parce que c’est notre encrage primaire au sol. Parce que leur action (ou manque d’action) dictera les bases de notre posture et dynamique corporelle. Pensez-y ; se tenir debout, marcher, courir, se pencher, s’accroupir, monter ou descendre des escaliers, les pieds sont toujours sollicités. Même assis. Pour les sceptiques sur la dernière affirmation, je vous répondrai par ceci : comment êtes-vous plus confortable assis de façon prolongée ; avec les pieds touchant le sol ou les pieds dans le vide ?
Avant de vous parler de souliers, j’aimerais vous énumérer les qualités d’un beau pied fort et en santé. Un pied vigoureux et sain s’aura étaler facilement les orteils, les laisser prendre de l’expansion et se séparer les uns des autres. Au sol, il prendra de l’espace, les orteils bien étalés, le gros orteil dans l’axe de la face interne du pied, le petit dans l’axe de la face externe du pied. Il aura une arche plantaire bien campée, cambrée, supportant bien le poids de son propriétaire entre trois points primordiaux : le milieu du talon, la base du gros orteil et la base du 5e orteil. Ce pied maintiendra son propriétaire solidement au sol. Ce pied aura aussi énormément de flexibilité et de préhension, s’adaptant facilement aux surfaces inégales du sol. En contrepartie, un pied faible aura des orteils agglutinés ensemble, difficiles à mouvoir et séparer. Il pourra démontrer des orteils-marteaux ou des hallux valgus. L’arche plantaire y sera plus effacée, parfois totalement aplatie selon le mouvement de son propriétaire. Ce pied aura une piètre capacité de maintenir son propriétaire solidement au sol en ne répartissant pas uniformément le poids entre les trois points primordiaux. Manquant de flexibilité et de force de préhension, ce pied s’adaptera difficilement aux surfaces inégales, augmentant les risques d’entorse à sa voisine d’en haut, la cheville.
Les qualités d’un bon soulier ? Ne pas nuire aux qualités d’un bon pied fort, ne pas l’entraver dans son travail. Si vous avez retenu les qualités d’un bon pied, vous déduirez facilement qu’un soulier à talon haut est loin de permettre au pied de bien travailler. Difficile (impossible !) d’y repartir uniformément le poids entre les trois points cités ci-haut. Difficile aussi (heu… impossible !) d’y étaler les orteils. Impossible (vous voyez, je me suis corrigée !) d’y avoir un pied flexible s’adaptant aux inégalités du sol. Mais tout soulier étroit et rigide rentre dans cette catégorie.
Un bon soulier ne doit pas non plus faire « sous-travailler » le pied, lui « faciliter » les choses. Avons-nous vraiment besoin d’une arche plantaire intégrée dans le soulier ? On perd de la flexibilité dont a besoin le pied pour s’ajuster aux inégalités. On perd aussi de la force si l’arche est toujours « maintenue » artificiellement. (Ça vous donne ici une petite idée de mon opinion générale sur les orthèses plantaires… Mais il y a exception à tout ! Mon opinion se module quand même au cas par cas. Si la faiblesse du pied est importante, il n’est pas dans l’avantage de personne de laisser le pied s’affaisser et dévier/débalancer le genou et la hanche et le dos, alouette ! Un but long terme serait de bâtir suffisamment de force dans le pied pour ne plus avoir besoin de l’orthèse.) On évite aussi les souliers archi-lourds ; pourquoi vouloir changer la dynamique de votre patron de marche en faisant sur-travailler les fléchisseurs de cheville, extenseurs de genou et fléchisseurs de hanche ?
Que rechercher dans le soulier pour respecter notre bon pied fort ? C’est là que je vous aiguille vers les chaussures dites « minimalistes ». Une chaussure minimaliste réunie les propriétés (qualités dans mon livre à moi) suivantes :
- Une boite à orteils (« toe box » en anglais) bien large permettant aux orteils de ne pas se sentir comme des sardines (et non pas de ne pas sentir les sardines ! Quoique les deux, c’est bien). Pour bien travailler, faut pouvoir bouger, ne pas se sentir à l’étroit.
- Aucun dénivelé entre le talon et les orteils (« zero drop »). La plupart des chaussures traditionnelles dites « plates » ont un dénivelé allant de 6 mm à 16 mm. 16 mm ! Autant dire que vous portez des talons hauts. Un dénivelé diminue le travail nécessaire de votre pied pour répartir le poids vers les bases du gros orteil et 5e orteil. La gravité envoie passivement le poids à ces niveaux. Votre pied s’affaiblit donc et vous aurez une arche plantaire faible. Ce qui m’amène au prochain point.
- Une semelle intérieure plate. Aucune forme pré-moulée supposée épouser votre arche plantaire. Parce que chaque arche plantaire est unique et qu’elle doit « travailler » pour rester forte. Elle n’a pas besoin d’être « supportée » dans sa tâche. Et ceux qui arguent que de ne pas avoir de support de la voute plantaire augmente les risques de fasciite plantaire, c’est que le pied est déjà faible et que cela augmente la pression transmit aux tissus conjonctifs et ligaments (le fascia plantaire, dans ce cas-ci). Un ligament n’est pas là pour supporter à long terme une charge ; si c’est le cas, il s’irrite et s’inflamme.
- Une semelle flexible dans tous les sens : avant-arrière, interne-externe, diagonale… Il faut permettre à votre pied d’avoir la liberté de s’adapter au inégalités du sol… Une roche sous le côté externe de votre pied ? Le pied devrait se mouler autour de celle-ci et non pas votre cheville se « tordre » parce que la semelle à « pivoter » sur de la roche… Un pied mobile est un pied qui est en mesure d’utiliser toute sa musculature.
- Une semelle mince, permettant d’être près du sol et de sentir les inégalités et de s’y ajuster.
- Un soulier léger. Comme dit plus haut, il ne doit pas venir interférer sur le patron de marche et la demande de contraction des muscles de la hanche, du genou et de la cheville pour arriver à « lever » du sol le dit-soulier.
Peut-être aurez-vous découvert en me lisant que vos pieds n’en font pas autant pour vous que vous pourriez l’espérer. Dans ce cas-là , voici un petit exercice fort intéressant pour développer la force de votre pied.
Le renforcement de l’arche plantaire (muscles fléchisseurs profonds) ; le pied court
Il est préférable de faire l’exercice pieds nus. Le renforcement de l’arche plantaire amène une meilleure stabilité de la jambe au sol. Prenez la position debout, pieds à largeurs des hanches et regardant droit devant. Assurez-vous de bien maintenir une bonne posture (voir mon blogue La posture ; la clé contre tous les maux ?).
- Étalez et écartez bien les orteils au sol. Les gros orteils devraient être alignés dans l’axe de la ligne intérieure du pied ou même plus large. Vous aurez peut-être besoin d’écarter les orteils à l’aide de vos mains.
- Répartissez votre poids au milieu de chacun des pieds en utilisant une forme de trépied délimité entre le milieu du talon, la base du gros orteil et la base du petit orteil. En gardant le devant des chevilles détendues, agrippez le sol à l’aide de ces trépieds. Vous devriez sentir les arches plantaires s’activer et les voir devenir plus prononcées.
- Tenez la contraction de l’arche plantaire le plus longtemps possible et le plus souvent possible dans votre quotidien. La douche est un endroit idéal pour effectuer cet exercice.
Progression : le pied court sur un seul pied
Une fois la position de pied court maitrisé sur deux pieds, enlevez doucement un pied du sol sans laisser l’arche plantaire du pied au sol changer de forme (ne laissez pas l’arche plantaire s’affaisser en s’accotant sur l’intérieur du pied ou s’accentuer en roulant sur l’extérieur du pied) et en maintenant le devant de la cheville détendue. Assurez-vous de ne pas compenser à la hanche en maintenant détendu les fessiers et les fléchisseurs de hanche. Répétez avec l’autre pied. L’objectif est de pouvoir maintenir cette position sans compensation à la cheville et à la hanche pour 30 secondes ou plus.
Le tout, vous l’aurez compris, ce fait beaucoup plus facilement et efficacement avec l’aide et le support d’une physiothérapeute en rééducation périnéale et pelvienne. Restez à l’affût, se sentir à nouveau « groundé » au sol bientôt disponible chez une physiothérapeute près de chez vous !
P.S. : J’ai obtenu l’accord de Lems pour utiliser leurs photos. Et j’ai choisi cette compagnie uniquement parce que je fais porter à mes pieds leurs souliers Primal 2 pour travailler et qu’ils en sont très heureux. Mais il existe de plus en plus de marques de chaussures dites « minimalistes » respectant les critères énumérés plus haut.