Parlons caca ! (Démystifions ensemble la constipation)
Quoi ? Ai-je vraiment l’intention de vous entretenir sur les excréments ? Et comment ! Vous n’imaginez pas le nombre de questions qu’il est possible de poser en rapport avec la défécation… Et la quantité d’informations que cela m’apporte pour mieux comprendre la situation et donc aider ma clientèle. Oui, oui, en rééducation périnéale et pelvienne, on parle caca (et ça, ça en met plusieurs plutôt mal à l’aise !). Disons qu’avec le métier que je fais et l’environnement familial que j’ai (deux enfants d’âge préscolaire) j’ai de quoi être désensibiliser sur le sujet. Il m’arrive parfois d’oublier la gêne que cette discussion peut amener.
J’écris donc avec l’intention de vous expliquer toute la pertinence de cette discussion dans mon bureau ; vous démontrer toute la pertinence de vouloir réguler au mieux votre transit digestif. Premier point percutant : la constipation est, après une grossesse et son accouchement, le 2e enjeu pouvant nuire le plus au périnée. Donc si vous voulez que celui-ci aille mieux (ce qui est en général l’objectif quand vous consulter en rééducation périnéale et pelvienne), il faut s’assurer d’éliminer au maximum la constipation. Comment ? De plusieurs façons. Plongeons ensemble.
Commençons par une question simple ; qu’essé que c’est, du caca ? Une matière semi-solide, pour commencer. Quelques-uns ajouterons que c’est un déchet du corps. C’est une bonne base, mais c’est beaucoup plus que ça. Les selles sont majoritairement composées d’eau (en moyenne 75 à 85%, disons 80% pour un chiffre rond) et de déchets de l’organisme (le 15-25% restant, arrondissons aussi à 20%) tels des résidus alimentaires, des fibres, des bactéries, des cellules épithéliales mortes de notre intestin, etc. Et ne vous trompez pas, il est important de maintenir ces proportions. Mais visuellement, ça ressemble à quoi ? Voici donc l’échelle Bistrol (oui, oui ! Une échelle pour évaluer la « densité » de vos selles !). La perfection ? Le type 4, définitivement. On cherche une belle consistance style dentifrice. Cette consistance facilitera le travail du transit intestinal. Le transit intestinal ce fait grâce à de petits muscles le long du tuyau des intestins. C’est facile faire sortir de la pâte à dent du tube en appuyant doucement sur celui-ci, non ? Same thing dans votre bedon.
Mais pourquoi si peu de déchet et autant d’eau ? Si le corps en a décidé ainsi (une fichtrement belle machine, le corps humain, soit-dit en passant !), c’est qu’il doit y avoir une bonne raison. Prenons le cas d’une personne déshydratée. Chez cette personne « desséchée », le corps réabsorbera plus d’eau provenant des intestins pour assurer les autres fonctions du corps nécessitant de l’eau (volume sanguin, sueur, salive, urine, muqueuses des yeux, du nez, des organes génitaux, etc). Il restera malgré tout le même volume de déchets à éliminer… En d’autres mots, la selle sera plus dense, plus solide. On montera facilement dans l’échelle de Bistrol ci-haut. Et ça, c’est problématique. Parce que c’est un terrain hyper favorable au développement de la constipation. Juste pour voir, remplacez la pâte à dent dans le tube par de la pâte à modeler trop sèche… ou pire, par des billes. Et pesez ensuite un peu sur le fond du tube. Ça sort facilement ? I don’t think so. Avant de faire avancer le tout et d’en arriver au bout (plus de 6 m d’intestin grêle et 1,5 m de côlon ! Un fichu long tube dentifrice que je vous dis !), on peut accumuler du retard. Eh hop ! on saute une journée ou deux d’évacuation ! Mais ça entraîne un cercle vicieux, car plus les selles passent de temps dans l’intestin, plus le corps a la possibilité de réabsorber de l’eau… Et les selles deviennent plus dures. En devenant plus dures, elles sont plus difficiles à faire cheminer… Et elles restent plus longtemps dans le système digestif. Et… ok, je pense que vous avez compris.
Alors, pour se sauver tout ce trouble, une bonne hydratation est primordiale. On parle de quoi par bonne hydratation ? Généralement de 1,5 à 2 litres de liquide pour une femme et de 2,5 à 3 litres pour un homme. Enceinte ou allaitante ? Allez-y avec un litre de plus, soit la quantité recommandée pour un homme. C’est que bébé vous siphonne aussi, voyez-vous ?
Mais l’hydratation n’est pas suffisante. Il faut aussi avoir un bel horaire régulier dégageant du temps pour évacuer. Il est possible de réguler le système digestif dans le temps. Et le moment le plus propice ? Le matin après l’ingestion du déjeuner. En fait, 20 à 30 minutes après celui-ci, pour être plus précis. Pourquoi donc, vous demandez-vous ? Eh bien, le système digestif est une belle machine en partie gérée par des réflexes neuronaux. Explication : vous passez la nuit à jeun (en général, du moins), l’estomac est donc vide au réveil. En mangeant, vous le remplissez (bin quin !). Il passe alors de vide à plein. L’étirement de l’estomac activera un réflexe gastro-intestinal (estomac-intestin) qui part le péristaltisme (contraction des muscles sur les intestins qui fait avancer les excréments). C’est comme si le corps disait : « Du nouveau stock est livré ! On évacue le vieux pour faire de la place ! ». Le péristaltisme prend environ 20 à 30 minutes pour qu’un mouvement de masse ait lieu (les selles se déversent dans l’ampoule rectale). À partir de ce moment, il reste en général maximalement 10 minutes pour se rendre à la toilette et bénéficier du péristaltisme qui va aider à « pousser » les selles à l’extérieur. Après ? Bye bye le péristaltisme. Faudra vous arranger tout seul pour évacuer. Et probablement pousser. Pauvre périnée !
Par contre, pour que ce beau réflexe fonctionne à son plein potentiel, il faut être dans un état « disposé » parasympathique. Hum, est-ce que vous vous rappeler votre cours de biologie du secondaire ? On y aborde le système nerveux central (celui qu’on contrôle) et le système nerveux autonomique (celui qu’on ne contrôle pas, ex : pupille dilatée dans le noir, sueur quand il fait chaud, ce genre de choses). Ce système nerveux se divise en deux : le système neveux sympathique et le système nerveux parasympathique. Le sympathique ne l’est pas tant que ça, en fait. C’est le système de réponse au stress ; la réponse « fight or fligh », se battre ou se sauver face au danger. Ça amène des réponses hormonales et physiologiques pour que le sang se distribue plus vers nos muscles, notre cœur, nos poumons pour suppléer nos muscles dans quelque chose qui risque fort d’être cardio. Pas le temps d’envoyer du sang vers les viscères et digérer quand on se sauve du loup, non ? Vous aurez donc compris que la digestion est plutôt régulée par l’autre système, le parasympathique. Quand un « parle fort », l’autre « se tait ». Ainsi, si on est dans la réponse sympathique (aka le stress), ça cognera moins fort (ou pas du tout) à la sortie. Alors, où êtes-vous 20 à 30 minutes après votre déjeuner ? (Ou même, déjeunez-vous ?) Êtes-vous de ceux pris dans un bouchon de circulation ou le métro bondé ? Ou bien déjà au bureau ? Ou encore à la course vers la garderie et l’école ? Êtes-vous perpétuellement chassé par un prédateur imaginaire (la fameuse aiguille de l’horloge qui tourne) ? Parce qu’on a pas les mêmes stresseurs et prédateurs qu’avant, mais la réponse physiologique, elle, est la même.
Si on récapitule, pour éviter la constipation, on boit adéquatement. On déjeune aussi à heures relativement fixent et on s’assure d’avoir accès à une toilette 20 à 30 minutes après. On essaie de rester zen durant cette période…
Finalement, pour limiter l’impact sur votre périnée, la position adoptée à la selle peut aussi être importante à corriger. Un tabouret sous les pieds, c’est pas mal un must. C’est que, voyez-vous, il y a un angle entre la fin du côlon et le début du rectum. Le fait de positionner les genoux plus haut que les hanches attenu cet angle. Cela forme un « toboggan » sur laquelle les selles « glissent » plus facilement et l’évacuation est alors plus aisée.
Vous êtes ballonné ? Vous éliminez peu pas régulièrement ou de façon très espacé ? L’évacuation est difficile ? Ou bien segmentée ? Ou les deux ? Restez à l’affût, la restauration de votre usine à « dentifrice » bientôt disponible chez une physiothérapeute près de chez vous !