Cher psoas, quand tu me tiens (un mal nécessaire ?)

01 mars 2018

Ha ! le psoas… Je vois déjà les points d’interrogation dans plusieurs visages après seulement cette première phrase (hmm, est-ce même une phrase ? Aucun verbe, complément… Bah vous comprenez). Le psoas, un muscle si grand, aux multiples qualités et tâches complexes, mais oh combien méconnu du grand public. C’est dommage car, lorsque dysfonctionnel, il est capable de maints et maints symptômes dans des sphères tellement variées qu’on pourrait à première vue n’y voir aucun lien entre eux et les considérer comme des problèmes distincts. Et ce, même par le corps médical. Et c’est bien dommage. J’y vois encore une démonstration qu’en surspécialisant la médecine, on a perdu la vision globale du corps… Mais ça, c’est un autre débat.

Au risque de vous ennuyer, je me dois de commencer par un petit cours d’anatomie 101 sur la position du psoas dans le corps humain ainsi que ses origines et insertions (dans le jargon physiothérapique, ça veut dire sur quels os il s’attache). C’est indispensable si je veux que vous compreniez la suite et ainsi voir à quel point un psoas qui déconne, ce n’est pas jo-jo. Voici donc une petite image pour essayer de vous rendre ça le plus simple possible. Le psoas est un muscle qui a pour origines (il s’attache) le côté et le devant de plusieurs vertèbres de la région lombaire. Pour être plus précise, il s’attache sur T12 (12e vertèbre thoracique), L1, L2, L3, L4 (les 4 premières vertèbres lombaires) et accessoirement sur le disque intervertébral L4-L5. Ainsi, pas d’attache sur la dernière vertèbre lombaire (L5), mais s’est tout comme si. Les curieux auront remarqué que sous l’image, il est écrit « iliopsoas ». Ben, c’est qu’en fait, le psoas a un jumeau siamois non-identique appelé iliaque. L’iliaque est le muscle qui couvre l’intérieur de l’os iliaque (très original, I know), ce gros os qui forme les deux moitiés de bassin encadrant le sacrum à l’arrière et se réunissant en avant pour former la symphyse pubienne. Bon, je dis que l’iliaque est le frère siamois du psoas car ils se réunissent en un seul tendon commun pour s’attacher (on parle d’insertion) à l’intérieur du fémur (os de la cuisse) dans la région qu’on peut affectueusement appeler la « laine ». Faque dans ma tête, ça demeure deux muscles qui ont comme coïncidence de partager leur tissu d’ancrage sur le petit trochanter du fémur (parce qu’on s’entend qu’ils n’ont pas du tout la même origine…) Faque on peut parler du muscle psoas et du muscle iliaque, ou ben dont du muscle ilio-psoas ou encore du muscle psoas-iliaque… Mais c’est toujours la portion psoas qui m’intéresse. (Pour le moment, parce que l’iliaque aussi, c’est un sapré muscle important ! Peut-être vous en parlerai-je un jour…)

On a localisé le muscle, super. Mais à quoi sert-il ? Si tout se déroule comme prévu dans le corps, trois actions possibles, ça dépend quel est son point fixe et si on l’utilise en unilatéral ou bilatéral. De kessé ? Le point fixe, c’est le point d’attache qui ne bougera pas sur lequel le muscle contracte pour faire bouger l’autre point d’attache… Un peu comme le membre d’une marionnette, vous me suivez ? Concrètement, si le point fixe est la région lombaire, le psoas est un puissant fléchisseur de hanche, ça veut dire qu’il amène la cuisse vers l’abdomen. Si le point fixe est la cuisse, là, un peu plus de variante peut survenir. Si les deux psoas travaillent en harmonie et contractent ensemble (utilisé en bilatéral), il devient fléchisseur du tronc sur les hanches. En bon québécois, on plie en deux. Mais si le cerveau décide de l’activer en unilatéral et de n’utiliser qu’un psoas (toujours avec le point fixe au fémur), une flexion ipsilatérale et rotation controlatérale du tronc survient. Encore une fois, de kessé ? Exemple : Le psoas gauche contracte en prenant la hanche comme point fixe ; le tronc fléchira vers la gauche et tournera vers la droite. Si vous êtes du type visuel et que vous avez quelques minutes devant vous, je vous recommande de visionner ces vidéos 3D sur le positionnement et le fonctionnement du muscle ilio-psoas. Peu de temps ? Version courte sans discours. Plus de temps, ou de curiosité ? Version longue avec explication détaillée sonore.

Bon, assez de ces bêtes platitudes qui n’intéressent que les physios (et encore là…). Ce qu’on veut savoir, c’est quand est-ce que ça vire mal ? Elle est où, l’histoire d’horreur qui semblait si prometteuse au début ? J’y arrive, justement. En fait, la question à poser est plutôt : comment ça peut mal virer ? Si on prend le psoas tout seul comme ça, dans l’espace, ça l’air relativement simple. Mais quand on remet tous les morceaux du corps à leur place avec des interactions pis toute, ça peut faire un portrait pas pire mess-up s’il est dysfonctionnel.

Commençons de la façon la plus simple. Si le psoas est tendu, il peut provoquer des sensations de douleurs à ses points d’attache ; dans le dos à partir de sous les omoplates jusqu’en haut des fesses. Ouin, ça fait large. On peut aussi avoir mal à l’aine. On peut avoir mal partout sur son trajet ; bref avoir mal au ventre.

Complexifions le tout en remplissant l’espace à proximité du psoas en ajoutant des nerfs à notre schéma… Quand je dis à proximité, bien ça implique au travers du muscle aussi. On parle de nerfs responsables de la sensibilité des côtes basses, des flancs, du bas ventre, de l’aine, du côté et devant de la hanche… Donc, un psoas tendu pourrait potentiellement donner des douleurs, inconforts, tiraillements, pincements, picotements, engourdissements (alouette !) à ces endroits.

Mais ce qui passe aussi très proche du psoas, c’est les ganglions du système nerveux sympathique. Hein ? Le système nerveux comporte un département « autonome » qui régule comme un grand garçon une foule de fonctions du corps. On sépare le système autonome en deux catégories : le système nerveux autonome sympathique et le système nerveux autonome parasympathique. Le système sympathique, c’est le stressé (adrénaline, sueur, fréquence cardiaque élevée) et le parasympathique, c’est le relaxe des deux. Son fort ? Contrôler le fonctionnement de nos viscères. Envie de faire un petit roupillon après un repas trop copieux ? C’est de sa faute. La digestion battant son plein, il tasse le stressé dans un coin. Mais l’inverse est aussi vrai. Un exposé stressant devant un potentiel gros client ? Un « deadline » serré ? Le stressé (lire ici système sympathique) prend le dessus et votre diner risque de vous rester en travers de la gorge accompagné de brûlures d’estomac, pourquoi pas. Le système parasympathique est alors mis de côté. Mouin, pourquoi est-ce que je vous parle de ça, n’est-ce pas. Relisons la première phrase de ce paragraphe. Regardez bien l’image du psoas et des nerfs. C’est que, voyez-vous, entre les attaches du psoas sur les différentes vertèbres thoraciques et lombaires passe la chaîne de ganglions (représentés par les genres de petites boules ou nodules) du système nerveux sympathique. Donc un psoas tendu a le potentiel d’« agresser » ou d’« irriter » cette chaîne de ganglions et de « monter le volume » du stress dans le corps, ce qui a automatiquement comme effet d’altérer le fonctionnement des viscères.

À quoi le psoas peut-il toucher d’autre ? Si on regarde en haut, bien il est intimement relié au diaphragme. En effet, il passe en arrière de l’arrière du diaphragme. Je vous laisse le temps de relire la dernière phrase. Le psoas passe derrière la partie postérieure du diaphragme. Il peut donc interférer sur la respiration. Le souffle court, manquer d’air, un point sous les côtes… Et si on évaluait le psoas ?

Toujours dans sa portion supérieure, on a en avant tous les viscères. Contact direct (ou presque, on a quand même des fascias qui entourent les organes) avec les reins en avant. Et dans le bas ? Quin donc, le gauche et le droit font ensemble un câlin à la vessie… Attention de ne pas l’étrangler, tout de même. Des envies soudaines ? Des douleurs à la vessie style infection urinaire ? Une douleur/envie qui n’est pas soulagée en faisant pipi avec l’impression d’un « tension » ou « pression » qui demeure ? Ça m’est arrivé plus d’une fois de soulager le tout en travaillant sur le psoas…

Le système digestif n’est pas très loin non plus. On parle ici surtout des intestins (côlon et intestin grêle) qui peuvent être embêtés par un psoas tendu… Des ballonnements ? Ou peut-être des crampes/douleurs digestives et symptômes de type syndrome du côlon irritable ? Constipation ? Lenteur digestive ? Au cœur même de notre tronc, un psoas souple et mobile permettra un bon massage des viscères lors de nos mouvements quotidiens tel la marche.

N’oublions pas le système gynécologique. C’est que les ovaires sont excessivement près du psoas dans sa partie abdominale basse alors qu’il est en chemin vers le ligament inguinal. De vives douleurs à l’ovulation ? De fortes crampes menstruelles ? Une petite évaluation du psoas s’impose.

Alors résumons : des symptômes urinaires, des symptômes digestifs, du stress et de l’anxiété, le souffle court, des douleurs gynécologiques, le psoas pourrait jouer un rôle dans la problématique. Mais n’oublions pas ses manifestations musculo-squelettique sous forme de douleur au dos, côtes, hanches, flancs, aines, etc. Mais est-ce que l’urologue, le gastro-entérologue, le pneumologue, le gynécologue, le neurologue, l’orthopédiste et le rhumatologue l’on dans leur champ de mire ? Fait-il parti de leur diagnostic différentiel ? De mon expérience, la réponse est trop souvent non. Avouez quand même que bonjour le méli-mélo alors que la source peut être la même !

À quelle spécialité appartient-il donc d’évaluer le psoas ? Un grand oublié de la médecine, semble-t-il… La branche ostéopathique semble avoir saisi le filon productif du psoas. Il m’arrive assez régulièrement que mes clients me rapportent que leur ostéo a déjà découvert une tension dans le psoas puis l’a relâché avec soulagement des symptômes mais que ceux-ci reviennent après un certain laps de temps. (Pourquoi ?) En physiothérapie, étant entre autre du domaine musculosquelettique, on devrait s’y intéresser, non ? Il me parait malheureusement sous-évalué. Je trouve cela étonnant car il est impliqué (de près ou de loin) dans largement plus de la moitié des cas cliniques que j’ai en rééducation périnéale et pelvienne. Cela m’attriste.

Cela m’attriste car, voyez-vous, même si je semble lui faire mauvaise presse jusqu’à présent (Ah le vilain muscle qui crée de méchants bobos ! Tststs!), je trouve le psoas magnifique et beau. Emplie d’un mystère et d’une complexité que j’ai l’impression de percer un peu plus au fil des années. Un gigantesque muscle (pensez-y ! Il touche au thorax, à la zone lombaire, à l’abdomen, au bassin et à la hanche.) qui assure un nombre incalculé de tâches au niveau viscéral, neural, et musculosquelettique. Je vous ai parlé de son rôle de mobilisateur (faire bouger la hanche ou le tronc) dans le début de ce texte. Mais ce que je n’ai pas révélé jusqu’à présent (Tada ! Le lapin sort du chapeau !), c’est son rôle de stabilisateur accessoire de la région lombo-pelvienne. Le mot important ici (bien que la stabilité lombo-pelvienne reste sapement importante, on s’entend !) c’est « accessoire ». Dans le sens : pas lui le principal. Dans le sens que la grande partie de la stabilité lombo-pelvienne revient à quelqu’un d’autre. À qui ? Ceux et celles qui me lisent depuis un certain temps pourront facilement répondre à cette question ; eh oui ! Encore ma « canne de conserve » ! Pour ceux qui se joignent depuis peu à moi, allez lire mon article Sport après l’accouchement ? Danger !

Je reviens à une question antérieure : pourquoi une tension dans le psoas qu’on a relâché peut-elle revenir ? À mon sens, parce que nous ne sommes pas allés voir la raison de cette tension. Comment calmer pour de bon le psoas ? Quelle est la recette gagnante ? En rétablissant un système de stabilisation lombo-pelvien adéquat ; retapons cette « canne de conserve » ! On inclut ici diaphragme, transverse de l’abdomen et plancher pelvien. Mais il faut aussi reconditionner le cerveau à bien se servir de celle-ci. Voilà un bon point de départ. Si le psoas est majoritairement un fléchisseur de hanche, peut-être faut-il se questionner sur la stratégie du corps. Choisis-t-on (inconsciemment, on s’entend !) de mettre les fléchisseurs à l’avant-plan ? Dans quel état sont les extenseurs de hanches (aka les fessiers) ? Croyez-en mon expérience, faut généralement une grosse dose de renforcement de fesses dans cette recette ! Et je peux vous dire que la grossesse, ça les fait généralement fondre en masse ! Je vous en dirai davantage à ce sujet dans un prochain blogue : Attention ! Épidémie de perte de fesses en cours ! Tout est une question d’équilibre dans le corps. Équilibrons pour se servir autant des extenseurs que des fléchisseurs et tout le monde sera plus heureux, garanti.

Le fin mot de l’histoire ? Le psoas devrait seulement nous assister dans notre maintien debout afin d’être libre de nous faire avancer et non pas nous tenir en otage.

Le tout, vous l’aurez compris, ce fait beaucoup plus facilement et efficacement avec l’aide et le support d’une physiothérapeute en rééducation périnéale et pelvienne. Restez à l’affût, la route pour « Libérez le trésooor ! » (car, croyez-moi, un psoas libre de tension vaut de l’or pour votre qualité de vie) bientôt disponible chez une physiothérapeute près de chez vous !

P.S. : La consultation d’un médecin demeure de mise pour l’évaluation et l’élimination de causes physiologiques sérieuses dans la présence de symptômes urinaires, gastro-intestinaux, cardiaques, respiratoires, gynécologiques ou psychologiques.

P.S. 2 : Merci d’avoir pris le temps de lire ma dissertation sur le psoas. Vous êtes courageux et désormais plus instruit.